Dans un intéressant article intitulé « Discriminations et inconsciences d’entreprise », Frédéric Teulon expose la place de la psychologie et surtout des mécanismes inconscients omniprésents dans la gestion des ressources humaines et la vie de l’entreprise. il affirme que « Les thèmes développés par Freud sont d’un
usage très large : le conflit originel entre Eros (la pulsion de vie) et Thanatos (la pulsion de mort), qui autorise une réflexion sur les phénomènes sociaux paroxystiques ; l’universalité du complexe d’Œdipe, qui ouvre la possibilité d’étudier l’articulation entre civilisation, interdit et culpabilité ; la logique de l’inconscient, qui permet de proposer des hypothèses pour analyser les productions symboliques et leurs codes. »
Qu’est-ce que la psychologie et la psychanalyse peuvent apporter à la compréhension de l’entreprise ? Cette dernière est un monde social et psychique au moins à un quadruple titre : 1/ la firme résulte d’un acte créateur. L’entrepreneuriat peut être analysé comme une sublimation, une réalisation détournée d’un désir socialement inacceptable (pulsion érotique ou de mort) transformée en désir que la société peut accepter ; 2/ la firme est un assemblage de liens humains qui ne peut fonctionner que si les sentiments trop négatifs ou hostiles sont refoulés. L’appartenance de l’individu à un groupe professionnel modifie son comportement (celui-ci est façonné par le filtre de ce qui est dicible et recevable par les membres du groupe). L’entreprise peut donc être à l’origine de souffrances psychiques chez les salariés, mais elle peut être aussi le lieu et le moyen de la réalisation imaginaire des désirs infantiles (Anzieu, 1975) ; 3/ Le salarié se soumet à la « direction » de l’entreprise, comme l’enfant qui suit les consignes de ses parents [1]
Ainsi, le Directeur général d’une firme occupe la place symbolique du père (identification liée à l’angoisse originelle de la séparation d’avec les parents, d’où la tendance régressive des subordonnés). Ceci rejoint la thématique de la « toute puissance » des managers ou encore celle des rapports entre sexualité et fonctionnement des organisations (Acker & Van Houten, 1974) et la problématique du leadership comme construction mentale (Zaleznik, 1989) ; 4/ la firme est prise dans un environnement qui non seulement agit sur elle (et avec lequel elle doit composer), mais surtout qui est présent au travers de ses membres, porteurs d’un inconscient collectif (Jung, 1913).
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Frédéric Teulon
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[1] Freud (1927-a) montre que les individus se sont créés un Dieu/Père car ils ont des difficultés à assumer leur condition d’adulte. La figure du père instaure une relation réconfortante.
« Discriminations et inconsciences d’entreprise » Dans Question(s) de management 2014/3 (n° 7), pages 61 à 74, Frédéric Teulon